La quête de la perfection


Manuel Moleiro reproduit à l’identique les somptueux manuscrits enluminés des siècles passés, préservant ainsi un grand patrimoine historique et culturel.

À Barcelone, Manuel Moleiro a réussi le plus fou des paris. Celui de recréer, à l’identique, les fabuleux manuscrits enluminés des siècles passés, du VIIIe au XIIIe siècle essentiellement, dont certains font toujours partie de la mémoire vivante de l’Espagne et de l’humanité. L’aventure a commencé il y a juste vingt ans, en 1991. Sa première réalisation a été le Beatus de Liebana. On désigne ainsi des manuscrits qui reproduisent le commentaire d’un moine du VIIIe siècle sur le texte de l’Apocalypse et qui fut un best-seller tout au long du Moyen-Âge en Espagne. Mais ce qui fait le prix de ces ouvrages, dont 25 versions différentes ont subsisté et dont cinq ont été reproduites par la maison Moleiro, ce sont les min- iatures des Xe et XIe siècles, à la fois somptueuses et sauvages, toutes pleines de saints et d’animaux fabuleux, dont on n’est pas étonné d’apprendre qu’elles ont inspiré, par-dessus les siècles, les peintres surréalistes.   



 Aujourd’hui, sur le Paseig de Gracia, au cœur de Barcelone, Moleiro est une en- treprise prospère qui compte 75 collaborateurs. On doit à cette maison unique en Espagne par sa recherche constante de la perfection, et sur laquelle le président Manuel Moleiro veille, avec amour et minutie, de son œil infaillible, une bonne quarantaine d’ouvrages en fac-similé. De vraies œuvres d’art qui résultent de la savante combinaison d’une technologie de pointe et d’un patient et humble tra- vail artisanal, à chaque étape de la réalisation. Le processus de fabrication prend deux ans au minimum, voire beaucoup plus. Extrêmement rigoureux, il passe par cinq phases: photographie, pré-impression, correction des épreuves, impression et reliure. Le maître se réserve la première et la troisième phase. 

Parmi la production de cette année, il faut citer le splendor solis. C’est le plus beau traité d’alchimie qui ait jamais été créé. Il a été attribué à tort, pendant longtemps, à Salomon Trismosin, qui fut le maître du mythique Paracelse, alchimiste, astrologue et médecin suisse de la Renaissance. Au cours des siècles, de très nombreux écrivains comme William Butler, et plus récem- ment, Umberto Eco, se sont intéressés à ce fabuleux manuscrit. À propos des Beatus, ce même Umberto Eco a déclaré que “leurs somptueuses images sont à l’origine de la plus prodigieuse tradition iconographique de toute l’histoire de l’art occidental”.  

Le plus prestigieux des manuscrits français
La maison Moleiro réalise aussi des fac-similés traduits en français. Au nombre de huit, ils comprennent notamment le Livre d’Heures de Charles VIII, le Livre des simples Médecines ou encore le Livre du trésor. La Bible de saint Louis a néces- sité sept ans de travail. Ce joyau de la culture française est sans doute le manuscrit le plus prestigieux et le plus luxueux produit dans le monde occidental, précise Manuel Moleiro. “Il comprend 4887 médaillons ornés de scènes historiées sur fond d’or. Cet ouvrage a été le plus ardu et le plus laborieux que nous ayons jamais réalisé.” Et de citer également le plus luxueux des bréviaires flamands, celui de la reine Isabelle la Catholique, l’unique à avoir été peint pour un monarque avec ses 1046 pages toutes enluminées et qui a demandé six ans de labeur. L’œuvre la plus ancienne reproduite à l’identique, est le traité des venins et des poisons Theriaka y alexipharmaca du Xe siècle; le premier manuscrit médical occidental dont on ait gardé la trace, du poète et médecin Nicandre de Colophon. La plus récente, datant de 1554. C’est l’atlas Universel de Diogo Homen, qui fut le cartographe le plus doué de l’école portugaise. Quant au Psau- tier anglais-Catalan, mis en chantier à Canterbury en 1200 et achevé en Catalogne en 1340, il conjugue le meilleur de l’école de peinture anglaise et méditerranéenne d’influence italienne. Il est de la main de Ferrer Bassa, le plus important enlumineur du XIVe siècle, dont l’influence fut immense.

Perpétuer un patrimoine culturel fragile
Diffusés mondialement, ces ouvrages, limités chacun à 887 ex- emplaires numérotés, dont le prix peut aller de 1000 à 20 000 eu- ros, sont accompagnés d’un volume de commentaires rédigés par des spécialistes de renommée internationale. Manuel Moleiro ne se cache pas que, dans certains cas, il fait œuvre de pionnier, des manuscrits étant ainsi étudiés et publiés pour la première fois. Les découvertes peuvent affecter ainsi tous les domaines: religion, cartographie, médecine, alchimie, encyclo- pédie... “C’est une façon de perpétuer un patrimoine culturel très fragile”, conclut-il. La maison reçoit bien sûr de nombreuses félicitations du monde entier. À propos des Grandes Heures d’anne de Bretagne, un client a écrit: “Quand on place devant la lumière la page d’une peinture au verso avec le recto vierge, l’effet est saisissant. Ce n’est pas fréquent dans le monde des facs-similés.” Et encore: “Les peintures des plantes et des petits animaux sont merveilleuses. J’ai passé la nuit à les admirer. Elles comptent parmi les plus belles illustrations de la na- ture qui aient jamais été produites.”

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