Les Heures de Charles d’Angoulême

Mort du centaure (f. 41v)


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Cette enluminure est sans doute la plus étrange de tout le manuscrit. Un centaure portant sur son dos une femme sauvage est attaqué et mis à mort par deux hommes à moitié nus s’apprêtant à abattre leurs haches sur les deux personnages. Mais les flèches qui ont frappé le centaure et sa cavalière proviennent de la Mort en personne sous la forme d’un cadavre décharné qui pointe au-dessus d’eux ses funestes traits. L’artiste a représenté à l’arrière-plan, à gauche, l’orée d’une forêt où erre un lion et, à droite, sur un promontoire, un château.
Si la mort permet de lier l’enluminure à l’emplacement où elle intervient, l’Office des Morts, elle ne peut expliquer le reste de la composition qui mêle assez étrangement un thème iconographique italien (le combat du centaure) et nordique (la femme sauvage).
Le centaure ravissant une jeune femme se trouve développé dans de nombreux cycles consacrés au personnage d’Hercule et à l’histoire de son épouse Déjanire, que les artistes de la Renaissance redécouvrent en copiant et en étudiant les bas-reliefs de l’Antiquité. Mais Robinet Testard semble avoir voulu renforcer le caractère nordique plutôt qu’italien de la composition, en ajoutant cette femme sauvage, si populaire dans l’art allemand du xve siècle et la gravure dès les origines (notamment avec les cartes à jouer gravées au burin en 1430-1440 par le Maître des Cartes à jouer, artiste actif dans le Rhin supérieur). Il a ajouté à cette scène la Mort, que l’on trouve ainsi représentée dès le XIVe siècle dans l’enluminure, comme par exemple pour le fameux passage du dit des trois morts et des trois vifs dans le Psautier de Bonne de Luxembourg, enluminé par Jean le Noir avant 1349. L’enluminure résulte donc de ces différentes sources. Son sens reste énigmatique : s’agit-il d’une allégorie moralisatrice du triomphe de la mort sur la bestialité ? Ou d’un simple caprice, au sens artistique du terme, destiné à montrer la connaissance et l’intérêt de l’enlumineur et très vraisemblablement, de Charles d’Angoulême pour ces nouveautés iconographiques pointant vers l’Allemagne et l’Italie, deux centres de création considérés comme les plus dynamiques à la fin du Moyen Âge ?

Séverine Lepape
Conservateur - Musée du Louvre

Muerte del centauro (f. 41v)

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Mort du centaure (f. 41v)

Cette enluminure est sans doute la plus étrange de tout le manuscrit. Un centaure portant sur son dos une femme sauvage est attaqué et mis à mort par deux hommes à moitié nus s’apprêtant à abattre leurs haches sur les deux personnages. Mais les flèches qui ont frappé le centaure et sa cavalière proviennent de la Mort en personne sous la forme d’un cadavre décharné qui pointe au-dessus d’eux ses funestes traits. L’artiste a représenté à l’arrière-plan, à gauche, l’orée d’une forêt où erre un lion et, à droite, sur un promontoire, un château.
Si la mort permet de lier l’enluminure à l’emplacement où elle intervient, l’Office des Morts, elle ne peut expliquer le reste de la composition qui mêle assez étrangement un thème iconographique italien (le combat du centaure) et nordique (la femme sauvage).
Le centaure ravissant une jeune femme se trouve développé dans de nombreux cycles consacrés au personnage d’Hercule et à l’histoire de son épouse Déjanire, que les artistes de la Renaissance redécouvrent en copiant et en étudiant les bas-reliefs de l’Antiquité. Mais Robinet Testard semble avoir voulu renforcer le caractère nordique plutôt qu’italien de la composition, en ajoutant cette femme sauvage, si populaire dans l’art allemand du xve siècle et la gravure dès les origines (notamment avec les cartes à jouer gravées au burin en 1430-1440 par le Maître des Cartes à jouer, artiste actif dans le Rhin supérieur). Il a ajouté à cette scène la Mort, que l’on trouve ainsi représentée dès le XIVe siècle dans l’enluminure, comme par exemple pour le fameux passage du dit des trois morts et des trois vifs dans le Psautier de Bonne de Luxembourg, enluminé par Jean le Noir avant 1349. L’enluminure résulte donc de ces différentes sources. Son sens reste énigmatique : s’agit-il d’une allégorie moralisatrice du triomphe de la mort sur la bestialité ? Ou d’un simple caprice, au sens artistique du terme, destiné à montrer la connaissance et l’intérêt de l’enlumineur et très vraisemblablement, de Charles d’Angoulême pour ces nouveautés iconographiques pointant vers l’Allemagne et l’Italie, deux centres de création considérés comme les plus dynamiques à la fin du Moyen Âge ?

Séverine Lepape
Conservateur - Musée du Louvre

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