Moleiro ressuscite Gaston Fébus
N’allez pas dire à Manuel Moleiro que le livre vit ses dernières heures... L’homme, dont l’humour est un trait caractéristique, vous sourirait poliment avant de vous expliquer que le succès de sa maison d’édition installée à Barcelone est une réponse aux pourfendeurs du papier, de l’encre et de l’impression classique. Plus perspicace. Ce Galicien qui a gagné les bords de la Méditerranée pour étudier le journalisme et l’édition d’art, il y a quelques années, décida de mettre au jour, dans la réalisation de fac-similés, les originaux gardés précieusement dans les bibliothèques les plus réputées du monde (BnF; British Library, Metropolitan...) pour des raisons de conservation. Il se spécialisa dans la reproduction de codex et de cartes, des œuvres d’art généralement réalisées sur parchemin, vélin, papier, papyrus... entre les VIII’ et XVI’ siècles sous la forme de manuscrits enluminés.
Sa ligne de conduite ? Utiliser des techniques ultraperformantes pour rester fidèles au manuscrit original. Reliés en peau tannée suivant les méthodes d’autrefois et édités sur un papier fabriqué à la main, les codex reproduisent toutes les nuances des peintures, l’or, l’argent... Pour réaliser ces ouvrages cela nécessite du temps, beaucoup de temps, au moins deux ans. Le premier d’entre eux fut le Béatus de Ferdinand I, un superbe manuscrit sur l’Apocalypse qui s’inscrit dans une des principales traditions iconographiques des manuscrits enluminés du sud de l’Europe. Depuis d’autres trésors révélés et mis à la portée des amateurs. À titre de curiosité, l'un d'eux montrés en premier plan dans la bibliothèque monacale dans le film le Nom de la rose est signé de la maison Moleiro.
Pour le plus grand plaisir des cynégètes, la maison catalane a décidé d’éditer le Livre de la chasse de Gaston Phoebus, qui fut rédigé, ou plus exactement dicté à un copiste, de 1387 à 1389. L’ouvrage qu’il composa avec beaucoup de soin fut, jusqu’à la fin du XVI’ siècle, le bréviaire de tous les adeptes de l’art de la chasse.
Interrogé par téléphone, Mónica Miró, la directrice éditoriale s’exprimant dans un français impeccable, nous confie que le livre que la maison s’apprête à sortir a été réalisé « à partir du manuscrit Français 616 que détient la BnF. La finesse des enluminures, la qualité des illustrations relatant les tranches de vie d’un chasseur, et par extension de l’homme du Moyen Âge, le récit de Phoebus qui nous transporte en un temps où homme et nature étaient unis ont été les moteurs de notre choix ». Parmi les quarante-quatre exemplaires conservés de cet ouvrage, le manuscrit Français 616 est en effet sans doute le plus beau et le plus complet. Le texte est écrit dans un excellent français. Ses pages sont illustrées de 87 enluminures d’une qualité qui comptent parmi les productions les plus séduisantes de l’enluminure parisienne du début du XVe siècle.
Gaston Phoebus présentait la chasse comme un exercice rédempteur qui permet au chasseur d’atteindre le paradis. Cet exercice physique, demandant un savoir-faire, est un excellent moyen d’éviter l’oisiveté source de tous les maux, et entretenir son corps et son esprit, soutenait-il. Ce que nous vérifions chaque fois que nous quittons le bitume pour regagner notre campagne. Les nemrods qui se donneront la chance d’acquérir ce traité de chasse, à n’en pas douter, goûteront au fruit défendu de la lecture d’un manuscrit précieux qui leur permettra de toucher du doigt le paradis de Gaston Phoebus.
Eric Lerouge
Pour plus d’informations : 09.70.44.40.62 ou +34.932.402.091 et moleiro.com/online