L'art et la perfection


Installé à Barcelone, M. Moleiro est un éditeur rare et précieux. Il s’est donné à tâche de rendre vie à des ouvrages qui furent et qui restent l’honneur de l’humanité. Ainsi, au fil du temps, il a sorti de ses presses les Grandes heures d’Anne de Bretagne , la Bible de Saint Louis ou encore le Livre d’heures d’Jeanne Ière de Castille , Jeanne Ière la folle . Et voici qu’il nous invite à voir et à lire le Bréviaire d’Isabelle la Catholique .

De toute cette production éditoriale, sans doute ce Bréviaire est-il le plus admirable. Propriété de la Bristish Library, il est considéré par cette noble institution londonienne comme son trésor le plus inestimable. Il s’agit, en effet, d’un codex fascinant le long des pages duquel apparaît, selon ses nuances et ses diaprures, une haute civilisation chrétienne.

Isabelle la Catholique reçut le manuscrit peu avant 1497, des mains de son ambassadeur Francisco de Rojas, afin de commémorer le double mariage de ses enfants, Jean et Jeanne, à ceux de l’empereur Maximilien d’Autriche et de la duchesse Marie de Bourgogne, Marguerite et Philippe, et des grands succès de son règne : découverte de l’Amérique, conquête du royaume de Grenade… Il est le seul manuscrit, parmi tous ceux que posséda la Reine, à comporter une dédicace la qualifiant rien de moins que divine : « Dive Elisabeth, Hispaniarum et Siciliae Regine… A la divine Isabelle, Reine des Espagnes et de Sicile ». Le folio qui contient cette dédicace est orné d’une miniature du Couronnement de la Vierge . Tout semble indiquer qu’il s’agisse d’une reconnaissance de sa souveraineté grâce à cette association à la reine des Cieux.

Le texte du Bréviaire contient, comme il était d’usage à la fin du Moyen Age, psaumes, antiennes, versets, répons, hymnes, lectures et prières pour les heures quotidiennes de l’office divin : Matines, Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies. Tout cela bénéficie d’une décoration qui avait pour fonction de guider le croyant dans la pratique de ses dévotions. C’est ainsi que si les initiales, les bouts-de-ligne et les bordures sont là pour le plaisir des yeux, les miniatures, quant à elles, répondent à un véritable programme iconographique, qu’il s’agisse de récapituler l’histoire du christianisme depuis les Douze Sybilles jusqu’au temps contemporain, ou de magnifier le règne en célébrant, par exemple, la prise de Grenade.

Un codex unique

L’originalité et la force de ses miniatures font de ce Bréviaire un codex unique. Dans la mesure où ils contiennent davantage de texte qu’un livre d’heures, les bréviaires offrent aux enlumineurs un plus large éventail de sujets et permettent de prendre davantage de libertés artistiques. Les six maîtres qui intervinrent dans l’illustration de ce Bréviaire ont mis l’accent sur des scènes qui représentent la construction, la destruction et la reconstruction de Jérusalem et de son Temple, ainsi que sur des scènes de célébration avec musiciens et chanteurs.

Le Maître du Livre de Prières de Dresde en est le peintre principal, Gérard Horenbout en est le deuxième grand enlumineur. Quant à Gérard David, il a mené à bien les peintures de la Nativité, de l’Adoration des Mages, de Sainte Barbe et Saint Jean l’évangéliste. Ces chefsd’oeuvre en miniature témoignent avec éloquence de la perfection atteinte par l’art des primitifs flamands, à travers les oeuvres de peintres tels que Jan van Eyck, Rogier van den Weyden, Hans Memling et Hugo van der Goes. Mais ce Bréviaire est bien plus encore. Il offre un témoignage éclatant de l’assurance, du pouvoir, de l’opulence et de la fervente foi chrétienne de la reine qui, avec son époux, Ferdinand d’Aragon, joua un rôle essentiel dans l’unification religieuse et nationale de l’Espagne, contribua à une prospérité sans égale grâce à la conquête du Nouveau Monde et sut établir, par ses alliances avec les Habsbourg, une dynastie dont le pouvoir et la richesse furent sans rival en Europe.

Là où nous parlerions de « fac-similé », M. Moleiro parle de « quasi-original », tant son édition est exigeante. Cela explique que cette édition, la première et l’unique, est limitée à 987 exemplaires, numérotés et certifiés par acte notarié. Cet imposant « quasi-original » est accompagné d’un ouvrage contenant une étude exhaustive, richement illustrée, écrite par des experts de notoriété internationale. A quoi il convient d’ajouter que la reliure se conforme aux méthodes traditionnelles, que les pages sont élaborées avec du papier parcheminé, spécialement fabriqué pour obtenir la même impression au toucher et jusqu’à l’odeur du velin original. Ce n’est pas tout. Cette édition, poussant le souci de la perfection à son degré le plus haut, reproduit avec la plus extrême fidélité chacune des nuances des peintures, pour ne rien dire des rehauts d’or fin qui jettent sur l’ensemble une lumière bien mystérieuse – celle-là même qui devait émerveiller Isabelle la Catholique quand elle ouvrait son Bréviaire .

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