Le Roman de la Rose de François I

Le dieu Amour atteint l'Amant de sa flèche, f. 21r


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Le Dieu d'Amours qui, l'arc tendu,
N'avait pas un instant perdu,
L'oeil au guet, à suivre ma trace,
Près d'un figuier prit enfin place;
Puis, saisissant l'occasion
Où je restais d'émotion
Devant la rose préférée
Et si ardemment désirée,
Soudain une flèche il brandit,
La corde dans la coche mit,
Et bandant jusqu'à son oreille
L'arc qui était fort à merveille,
Avec telle adresse il tira,
Que jusqu'au coeur me pénétra
Par l'oeil cette flèche acérée.
Adonc une sueur glacée
Me prit sous mon chaud pelisson,
Et j'ai senti maint grand frisson.

[. . .]

Quand j'eus mon sens et ma raison,
J'étais si faible que sans doute
Mon sang s'écoulait goutte à goutte.
Mais non, le trait qui m'a percé
Goutte de sang n'avait versé,
Et la plaie était toute sèche.
Lors, à deux mains, je pris la flèche,
Et commençai à la tirer,
Et en tirant à soupirer,
Et tant tirai qu'enfin l'enture
Seule amenai de ma blessure.
Mais le dard de fer barbelé,
Beauté qu'on avait appelé,
Dans mon coeur avec tant de force
Était fiché, qu'en vain m'efforce;
Toujours le fer dedans restait
Et de sang goutte ne sortait.
Grands sont mon angoisse et mon trouble
Car le péril est ainsi double.

Roman de la Rose, v. 1749-1766, 1774-1793
(Éd. et trad. de Pierre Marteau)


Le Roman de la Rose de François I Le dieu Amour atteint l'Amant de sa flèche, f. 21r

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Le dieu Amour atteint l'Amant de sa flèche, f. 21r

 

Le Dieu d'Amours qui, l'arc tendu,
N'avait pas un instant perdu,
L'oeil au guet, à suivre ma trace,
Près d'un figuier prit enfin place;
Puis, saisissant l'occasion
Où je restais d'émotion
Devant la rose préférée
Et si ardemment désirée,
Soudain une flèche il brandit,
La corde dans la coche mit,
Et bandant jusqu'à son oreille
L'arc qui était fort à merveille,
Avec telle adresse il tira,
Que jusqu'au coeur me pénétra
Par l'oeil cette flèche acérée.
Adonc une sueur glacée
Me prit sous mon chaud pelisson,
Et j'ai senti maint grand frisson.

[. . .]

Quand j'eus mon sens et ma raison,
J'étais si faible que sans doute
Mon sang s'écoulait goutte à goutte.
Mais non, le trait qui m'a percé
Goutte de sang n'avait versé,
Et la plaie était toute sèche.
Lors, à deux mains, je pris la flèche,
Et commençai à la tirer,
Et en tirant à soupirer,
Et tant tirai qu'enfin l'enture
Seule amenai de ma blessure.
Mais le dard de fer barbelé,
Beauté qu'on avait appelé,
Dans mon coeur avec tant de force
Était fiché, qu'en vain m'efforce;
Toujours le fer dedans restait
Et de sang goutte ne sortait.
Grands sont mon angoisse et mon trouble
Car le péril est ainsi double.

Roman de la Rose, v. 1749-1766, 1774-1793
(Éd. et trad. de Pierre Marteau)


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